StarCraft Remastered

Les coulisses de StarCraft Remastered

Blizzard Entertainment

L’équipe de StarCraft Remastered est réduite, flexible et animée d’une passion à toute épreuve pour l’œuvre originale. Voilà dix-huit mois qu’ils travaillent d’arrache-pied pour moderniser StarCraft sans altérer le style de jeu d’origine ni son atmosphère western. Faites connaissance avec les membres de cette équipe, et découvrez le processus de développement en lisant les entretiens ci-dessous ! 


Brian Sousa Graphiste 3D senior

Vous avez participé à la création du jeu original en 1997. Quels éléments avez-vous retrouvés avec le plus de plaisir, en tant que chef de projet graphiste sur StarCraft Remastered ?

Brian : certaines choses ont vraiment réveillé le geek qui sommeille en moi. Le nouveau Goliath que l’équipe a conçu est incroyable, à tel point que j’ai presque honte de mon design original. Leur travail était si détaillé que je n’en revenais pas.

Mettre à jour les modèles des unités sans trahir l’esprit des originaux, était-ce un équilibre difficile à trouver ?

Brian : nous avons conservé les mêmes silhouettes, car nous voulions que les joueurs les reconnaissent immédiatement. Mais c’est à double tranchant, car lorsque nous avons montré le jeu pour la première fois à des personnes extérieures, s’ils voyaient d’abord la version HD, ça ne les impressionnait pas beaucoup. « Ben oui, c’est StarCraft, quoi. » Dans leurs souvenirs, StarCraft avait toujours ressemblé à ça. Nous devions leur dire « non, non, on a retravaillé les unités originales, regardez : elles n’avaient que 32 pixels. » Et quand nous leur repassions la version 4K, ils voyaient parfaitement la différence. Pour nous, si les gens ne pouvaient pas différencier les deux, ça prouvait que nous avions bien fait notre travail ; nous sommes restés tellement fidèles au jeu original qu’il correspond exactement aux souvenirs des joueurs.

Pourquoi avez-vous décidé de conserver les silhouettes d’origine ?

Brian : en Corée, StarCraft, c’est comme les échecs. C’est un jeu intemporel. On ne modifie pas les règles des échecs, ni la façon dont les pièces se déplacent ; nous voulions simplement rendre le jeu plus joli.

Vous avez pourtant recréé les effets visuels, non ?

Brian : les effets de StarCraft Remastered sont réalisés avec les meilleurs outils dont nous disposons. Le feu est crédible et les explosions impressionnantes. La nouvelle explosion nucléaire est époustouflante, j’adore vraiment le rendu.

Au départ, nous comptions rester à 100% fidèles aux effets originaux. Or, nous nous sommes vite rendu compte que ces effets n’étaient plus très beaux de nos jours. Ils sont sympas, bien sûr, mais ils ne sont composés que de quatre couleurs ! Ce serait ridicule de créer un effet aussi limité aujourd’hui, avec toute la palette à notre disposition !

Et si des gens préfèrent les anciens effets ?

Brian : dans StarCraft Remastered, vous pouvez désactiver la plupart des effets visuels et retrouver les originaux. Nous visons à créer une expérience de jeu aussi agréable que possible. Et si les joueurs n’activent pas certaines options dès le début, ils y viendront peut-être plus tard. Nous avons montré le jeu à des pros et ils ont commencé à jouer en 4:3. Nous leur avons dit « Hé, vous savez quoi ? Vous pouvez aussi jouer en 16:9 ! » Ils ont essayé mais n’ont pas aimé du tout et sont revenus en arrière. Pourtant, à la fin de la session de jeu, tout le monde jouait en 16:9.


Brissia Jimenez Productrice associée

 

Comment êtes-vous arrivée chez Blizzard ?

Brissia : avant d’être embauchée, j’ai postulé chez Blizzard une fois par an pendant douze ans. Chaque année, j’obtenais une réponse négative. Je travaillais dans l’industrie du jeu vidéo depuis trois ans, quand j’ai commencé à me présenter à Blizzard. Évidemment, c’est l’année où j’ai décidé de laisser tomber qu’un recruteur m’a enfin contactée. Je me suis dit « ils le font exprès, c’est pas possible ! »

Sur quoi avez-vous commencé à travailler, quand vous avez rejoint l’équipe de StarCraft Remastered ?

Brissia : sur les environnements. J’ai vérifié des milliers de décors pour m’assurer qu’ils allaient bien ensemble. C’était comme un puzzle. Je rencontrais toute sorte de problèmes. Par exemple, la carte désertique était tellement orange que si votre couleur d’équipe était rouge-orange, il était impossible de repérer vos petits gars.

Le code vieux de vingt ans vous a donné beaucoup de fil à retordre ?

Brissia : je vais vous donner un exemple. Le Terran contaminé est appelé « Bug Guy » (« le mec insecte » en français) dans le code. C’est son nom, en interne. « Bug Guy. » Son portrait ? « Bug Guy Portrait. » Beaucoup d’éléments portaient des noms internes dans ce genre et on s’est demandé pourquoi ils avaient fait ça.

Qui est le meilleur joueur de StarCraft dans l’équipe ?

Brissia : je dirais Mike Dinger, un des types qui bossent pour l’assurance qualité. L’équipe d’AQ passe énormément de temps à jouer au jeu. 

On dirait que ce sont eux qui s’amusent le plus.

Brissia : certains d’entre eux poussent la chansonnette spontanément. Ils forment carrément un quatuor, c’est super drôle. Ils chantent du Johnny Cash… et ils adorent la chanson des tacos, dans South Park. C’est celle qu’on leur réclame le plus, je crois.

C’est un véritable jukebox humain, alors.

Brissia : ouais, c’est génial.


Mike Dinger Analyste de test

 

Brissia m’a dit que vous êtes le meilleur joueur de StarCraft dans l’équipe.

Mike : (rires) vraiment ? Je ne dirais pas que je suis le meilleur, ni même très bon en réalité ! Mais je peux vous mettre en relation avec un vrai pro, si vous voulez.

Qui donc ?

Mike : notre meilleur joueur, celui qui remporte presque toujours nos sessions de jeu du vendredi, c’est Yi Deng.


Yi Deng Ingénieur logiciel associé

 

Il paraît que vous êtes le meilleur joueur dans l’équipe de StarCraft Remastered. Comment avez-vous atteint un tel niveau ?

Yi : les gens exagèrent un peu ! Je suis un joueur plutôt normal, je crée des unités et je les envoie au combat, rien d’exceptionnel.

Vous avez beaucoup joué à StarCraft: Brood War ?

Yi : il y a très longtemps, quinze ans je dirais, j’y ai joué sérieusement pendant un bon moment. J’adore les jeux de stratégie en temps réel. Je suis aussi fan de Warcraft III et StarCraft II.

Il y a quinze ans, vous imaginiez un jour travailler chez Blizzard ?

Yi : absolument pas. Mais j’en rêvais parfois.


Rob Bridenbecker VP, technologie & stratégie

Pete Stilwell Producteur senior

 

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette expérience ?

Pete : il y a deux types de personnalités dans l’équipe. Ceux qui ont participé à la création du jeu original, et les autres qui ont grandi en jouant à ces jeux et qui se disaient « ça me donne envie de bosser chez Blizzard. » Je fais partie du deuxième camp. Je regardais un ami jouer à Warcraft [Orcs & Humans], et il ne me laissait pas y toucher, alors je restais assis derrière lui pendant des heures.

Je me suis mis à tondre les pelouses du voisinage et j’ai pu m’acheter un ordinateur juste à temps pour la sortie de StarCraft.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile dans ce projet ?

Rob : au début, je pense que personne ne soupçonnait qu’on aurait autant de mal à trouver le jeu original.

Pete : (rire contrit)

Fénix

Rock and roll dans l’espace

Retour sur le développement de StarCraft

Du mal à trouver le jeu ?

Rob : eh oui, ce n’est pas une blague. Pour commencer, il a fallu extraire tous les sprites de la version finale et commercialisée du jeu. Vous pourriez penser que nous disposions d’une gigantesque base de données contenant tous les éléments sauvegardés… mais non, nous avons dû décomposer notre propre jeu, récupérer tous les sprites et construire nos outils autour, pour pouvoir ensuite trouver les graphistes qui pourraient les réinventer et ajouter tous ces détails aux unités et bâtiments originaux. Nous avons dû recréer les modèles à partir de zéro !

Pete : c’était une chasse au trésor digne d’Indiana Jones ! (rire) On allait voir les gars des autres bureaux, en espérant que quelqu’un ait conservé les outils d’origine, quelque part… « Ah désolé, j’ai vérifié les CD rangés dans mon garage, mais je n’ai rien trouvé. » On en a vraiment bavé pour mettre la main dessus.

Et pendant ce temps, on voyageait d’un endroit du globe à l’autre, pour rencontrer des joueurs et des pros et renouer contact avec la communauté de StarCraft. C’était incontestablement la partie la plus déterminante du processus, et sûrement la plus amusante aussi.

Avez-vous eu du mal à décider quelles nouvelles fonctionnalités ajouter à StarCraft Remastered ?

Pete : il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte. Nous tenions à écouter la communauté parce qu’elle a toujours été là, elle adore ce jeu et elle y est tellement attachée qu’elle ne veut pas passer à autre chose. Ça force le respect, pas vrai ? Mais la communauté possède de multiples facettes ; quand on ajoute quelque chose, des raccourcis personnalisés par exemple, certains s’exclament « je ne veux pas de ça ! », et quand on le supprime, d’autres protestent encore plus fort : « Rendez-nous ça ! »

Le plus important, c’est de s’assurer que le style de jeu et les sensations de StarCraft restent inchangés. Du côté de la scène professionnelle, la méta est en constante évolution, le jeu est vivant. Nous ne voulons pas chambouler tout ça.

Qui sait quel impact aurait l’ajout de raccourcis personnalisés ? Nous voulons faire en sorte de préserver le gameplay original tout en proposant ces raccourcis. C’est une bonne fonctionnalité, ça permet d’accueillir de nouveaux joueurs. Ainsi, les fans de StarCraft II peuvent passer sur ce jeu tout en conservant leurs réflexes. Vous excellez quand vous êtes en phase avec le jeu et que vos doigts bougent quasiment tout seuls, n’est-ce pas ? Quand vous n’avez pas besoin de détacher vos yeux de l’écran pour vous rendre compte que la touche P se trouve à l’autre bout du clavier. Ce genre de choses dissuade une nouvelle génération de découvrir le jeu.

Rob : mais d’un autre côté, les joueurs pros vous diront que le temps nécessaire pour déplacer votre main d’une touche à l’autre fait partie intégrante du jeu.

Pete : exactement. « Cette milliseconde supplémentaire, c’est ce qui équilibre le jeu. »

Rob : savoir où fixer la limite, voilà la décision difficile. Nous cherchons à séduire de nouveaux joueurs. Le jeu a été populaire pendant les vingt dernières années, et nous voulons qu’il le reste pendant les vingt prochaines, voire plus. Du coup, la moindre modification revêt une importance capitale, car il faut absolument respecter la base attendue par la communauté actuelle.

Qu’est-ce qui vous pousse à apporter une telle attention à des mécanismes que certains qualifieraient de subtils ou relativement insignifiants ?

Rob : pour reprendre une métaphore que vous avons souvent employée, nous travaillons sur une toile classique. On ne se contente pas d’observer le tableau, de débuter une nouvelle esquisse et d’essayer de le copier ; on traficote l’original. En conséquence, chaque petit détail a son importance. À la moindre nuance de couleur qui diffère, nous prenons le temps d’en discuter. « Est-ce qu’il vaut mieux ajouter du jaune, ou du vert ? »

Comment vivez-vous l’accueil de la communauté ?

Pete : c’est génial. Nous voulions autant de retours que possible de la part de la communauté, tout en sachant à quel point ils peuvent être passionnés. Et oui, parfois, on se prend des gifles en plein visage, et ça fait mal. (rire) Mais ça en vaut la peine.

Rob : nous tenons à faire preuve de respect à l’égard de ce jeu, car au bout du compte, c’est à la communauté qu’il appartient réellement. C’est elle qui le fait vivre. Et nous, on arrive avec nos gros sabots, et chaque petit ajustement risque de tout flanquer par terre.

Avez-vous le sentiment que les fans attendent la sortie avec impatience ?

Pete : absolument ! C’est d’ailleurs notre motivation principale. Quand nous avons ouvert le RPT… nous étions euphoriques.

Rob : carrément.

Pete : on était aussi contents quand on l’a présenté aux pros, et qu’ils n’ont pas immédiatement pété les plombs ou commencé à casser les chaises.

Rob : à vrai dire, je crois que c’est une des rares fois où j’ai vraiment stressé. On redoutait ce qu’ils allaient en penser, on priait pour qu’ils ne soient pas déçus. Et leur réaction était… inattendue. Enfin, je veux dire, on s’y attendait, mais c’était aussi un grand bonheur, un incroyable soulagement, de la part d’un public dont on attendait plus ou moins le pire.

Pete : il y a eu l’annonce officielle, aussi. On avait une vidéo en coréen, on l’avait vue des centaines de fois, alors on la connaissait sur le bout des doigts…

Vous savez, j’ai fait du sport, j’ai été au milieu de la foule plus d’une fois. Quand le public est vraiment à fond, il y a un genre de rugissement viscéral, très différent de quand votre équipe marque en début de partie, quand ça n’a pas encore beaucoup d’impact. Mais là, le cri qu’a poussé le public, c’était du niveau d’une victoire en finale de coupe du monde après les prolongations !

Rob : et c’était marrant, parce que sur la diffusion en direct…

Pete : (horrifié) oh mon dieu, c’est vrai…

Rob : le reste de l’équipe, ceux qui n’étaient pas partis en Corée, regardait tout ça depuis le bureau, et il n’y avait pas un son sur le stream. Ils ont commencé à nous envoyer des messages pour nous demander « ça ne leur plaît pas ? Qu’est-ce qu’il se passe ? » En fait, le son de l’assistance avait été coupé pour la vidéo d’annonce. Et pendant ce temps-là, en Corée, j’avais les larmes aux yeux et je débordais de joie, parce que le public était en délire !

HD

L’affinage des graphismes de StarCraft

Comparaison SD/HD

Quand avez-vous pris conscience de ce que ce jeu représentait pour certaines personnes ?

Pete : quand nous avons entendu parler des canaux de discussion et des amitiés que les gens nouaient dessus. Quand on était en Corée, on a fait la connaissance d’un type dans un cybercafé. Il avait notre âge, 30-40 ans, et il vient toujours là une heure par jour pour discuter avec un gars qui vit à Busan. Lui habite Séoul ; ils ne se sont jamais rencontrés en personne, mais ils sont devenus des amis très proches grâce à ce jeu, à travers ce qu’ils partagent. Et ils jouent encore ensemble. C’est incroyable.

Vous voulez savoir d’où vient la passion qui nous anime ? Ce sont des gens comme eux qui nous l’inspirent. C’est pour cette raison que nous n’avons pas le droit à l’erreur.