En direct du studio : deux chamans aux trajectoires opposées
Bon nombre de concepteurs considèrent qu’il existe, dans la création d’un jeu, deux approches opposées qu’ils nomment « de haut en bas » et « de bas en haut ». Cependant, ces termes n’ont pas toujours le même sens d’un studio à l’autre, voire au sein d’une même équipe ! Pour l’équipe de Heroes of the Storm, l’approche « de haut en bas » fait référence à un contenu issu de l’univers dont s’inspire le jeu et que nous souhaitons intégrer, et l’approche « de bas en haut » s’appuie sur un mécanisme de jeu particulier que nous voulons mettre en avant. On peut donc dire que le « haut » correspond à « l’idée » (au sens platonicien du terme) ou à « l’imaginaire », et que le « bas » concerne tout ce qui a trait à la pratique du jeu lui-même. En ce qui me concerne, je suis convaincu que ces deux approches se complètent mutuellement, comme en témoigne notre travail sur nos héros. Pour vous expliquer ce que j’entends par là, prenons les exemples de Rehgar et Thrall, deux personnages qui, malgré de nombreuses ressemblances sur le plan conceptuel, ont fait l’objet de processus de développement radicalement différents.
Conception de haut en bas
Dans mes articles précédents, j’ai tenté d’insister sur l’importance de l’imaginaire dans la conception des héros. Nous trouvons l’inspiration auprès de personnages dotés de pouvoirs extraordinaires et d’une tradition féconde : druides et paladins, marines et paladins de l’espace, anges, démons, et autres extraterrestres terrifiants. Autant de concepts qui constituent les bases d’un travail « de haut en bas », au cours duquel ces idées générales sont développées pour aboutir aux mécanismes de jeu susceptibles de leur donner corps.
Thrall est un excellent exemple de cette approche. Ce puissant combattant de mêlée a été conçu à partir de ce que nous savions de lui – son énorme marteau lui permet d’écrabouiller ses ennemis et c’est un puissant chaman orc – tout en nous inspirant également des prophètes de Warcraft III et des chamans Amélioration de World of Warcraft. Ses capacités devaient donc découler de ces différents éléments, mais lorsque nous avons décidé de réintroduire Thrall dans la liste des héros jouables après une longue absence (il n’y figurait plus depuis la BlizzCon 2012), nous avons réalisé qu’il ne correspondait plus vraiment à l’idée que nous nous en faisions.
Nous avons donc procédé à de nombreux essais avant d’arrêter les cinq capacités reflétant le plus fidèlement possible l’éventail de ses possibilités ; une analyse des mécanismes (le « bas ») nous a alors permis d’identifier ce dont Thrall avait besoin pour être à la fois ludique et efficace. Ainsi, nous sommes partis d’une vision d’ensemble de ce héros pour définir des lignes directrices, puis nous avons testé et validé ces idées de la façon la plus concrète qui soit : en jeu. Du haut vers le bas.
Conception de bas en haut
N’allez cependant pas imaginer que nous partons toujours de la classe d’un personnage, de ses caractéristiques ou de son apparence. Il nous arrive parfois d’avoir une idée de mécanisme de jeu (la possibilité de devenir invisible, de résister à des quantités de dégâts phénoménales, de ressusciter ses alliés, de frapper des ennemis à très longue distance, etc.). Lorsque nous tenons un concept prometteur, nous essayons dans un second temps de trouver un personnage qui lui corresponde.
Rehgar Rageterre a longtemps échappé à notre attention. En effet, ce personnage relativement méconnu de l’univers de World of Warcraft ne faisait pas l’objet d’un déluge de demandes de la part des joueurs. Mais il nous restait les anciennes capacités de Thrall dont nous ne savions que faire : Salve de guérison, Totem de lien terrestre, Bouclier de foudre et Furie sanguinaire. Ces capacités très chamaniques évoquent davantage un personnage de soutien, rôle pour lequel nous sentions que Thrall n’était pas fait (une fois encore, nous avions opté pour une approche « de haut en bas » pour lui). Pourtant, cette combinaison de capacités fonctionnait parfaitement : les sorts avaient un réel impact sur le jeu et s’avéraient particulièrement ludiques (surtout lorsqu’ils interagissaient entre eux, lors de l’incantation d’un Bouclier de foudre sur un Totem de lien terrestre, par exemple). Ce style de jeu ayant toute sa place dans Heroes of the Storm, il nous suffisait de lui trouver une incarnation adéquate, et c’est ainsi que Rehgar Rageterre est devenu notre chaman Restauration.
Une fois le héros choisi, nous avons pu travailler sur son concept général et développer de nouvelles idées le concernant, comme le trait Loup fantôme. En d’autres termes, nous sommes partis des mécanismes de jeu pour aboutir à l’imaginaire du personnage que nous tentions de créer. Du bas vers le haut.
Ces deux exemples représentent les extrêmes des diverses situations que nous avons pu rencontrer ces dernières années sur Heroes of the Storm. Dans les faits, notre processus de création s’appuie généralement sur un mélange des deux approches détaillées dans cet article. Chacune d’elles a ses avantages. La première permet de produire de nombreuses idées à passer au crible de nos besoins, et la seconde tend à nous fournir rapidement des mécanismes de jeu éminemment ludiques. Et quelle que soit l’approche choisie, nous obtenons la plupart du temps des résultats similaires :
- De haut en bas : imaginons que je veuille créer un personnage de type ninja (parce que c’est toujours cool, un ninja). Je sais que les ninjas sont perçus dans l’imaginaire collectif comme ayant certaines qualités : ils sont furtifs, rapides et difficiles à capturer. Ce sont des tueurs efficaces et des experts en arts martiaux. Je peux donc m’intéresser aux mécanismes liés au camouflage, aux dégâts élevés, aux armes de mêlée et aux techniques de fuite.
- De bas en haut : imaginons à présent que j’aime particulièrement l’idée d’un personnage furtif attendant le bon moment pour frapper, ou que je sois convaincu que le jeu gagnerait à proposer un héros capable de remplir ce rôle. Pour que ma frappe soit efficace, je suis prêt à sacrifier mes chances de survie en échange de dégâts accrus, ce qui implique un style de jeu où les erreurs se paient cher. Quel genre de personnage serait susceptible de correspondre à cette description ? Un ninja ? Un ninja protoss ? Zeratul, par exemple ?
En nous appuyant sur ces deux approches, nous obtenons un héros plus « abouti », qui nous permet d’atteindre l’adéquation parfaite entre l’imaginaire et les mécanismes de jeu. Et lorsque cette alchimie se produit, nous savons que nous avons atteint notre but.
C’est tout pour cette semaine ! N’hésitez pas à réagir ci-dessous et suivez l’actualité de John en suivant @BlizzJohnzee sur Twitter. Par ailleurs, n’oubliez pas que Heroes of the Storm passe en phase de bêta restreinte à partir du 13 janvier, alors gardez un œil sur ce site officiel pour vous tenir informés des derniers développements. À très bientôt dans le Nexus !